Quand deux personnes sont amenées à se recroiser n'essayez pas de lutter

Le soleil brillait haut dans le ciel, les oiseaux recommençaient à roucouler du haut de leurs arbres, les bourgeons de ces-derniers étaient d'ailleurs visibles par l'humain. Ils s'exhibaient sur leurs branches nues, dépourvues de feuilles en ce début de printemps. C'était un temps radieux pour profiter de la petite ville qu'est Beacon Hill. Les habitants pouvaient à présent sortir de chez eux sans craindre de se prendre une saucée sur le chemin du retour. Ils se baladaient en tenue légère dans les ruelles, se tenant mains dans la mains, le sourire aux lèvres. S'en était presque trop, on se serait cru dans un de ces Walt Disney pour gamin de quatre ans où tout se termine bien. Je n'étais pas tellement du genre pessimiste mais c'était assez bizarre de voir les gens reprendre une vie normalement après le rapprochement de la lune et la sortie de l'hiver récente. Mais je partageais quand même leurs joies, ou plutôt de leurs illusions de croire que ce rapprochement est sans incident pour personne, que la Terre ne s'est pas arrêtée de tourner pour autant à cause de cet événement "minime".

J'avais décidé que cette journée se déroulerait sans chasse au surnaturel, sans arc, sans loup-garou ou autres êtres surnaturels dans la tête. Je passerai donc une journée normale, comme la citoyenne normale que je me devais d'être. Cela me fit doucement sourire car cela ne me ressemblait si peu par rapport à la femme froide et meurtrière de ces derniers jours. Je profita donc de cette belle journée ensoleillée pour flâner dans les allées commerçantes, disant bonjour à de vielles connaissances, observant avec envie la vitrine d'un pâtissier renommé. Je ressemblais à tous les habitants de Beacon Hill, à l'exception que cela ne m'arrivait que très rarement. Je me rendis aussi compte que la solitude du chasseur me pesait et que l'arrivée dans ce quartier de Boston m'avait un peu (beaucoup) éloigné de ma vie de Los Angeles. Je passais à présent la majorité de mon temps à m'entrainer.

« Stop! »

Je m'éloignais de mon objectif de Journée Ordinaire. Je décida donc d'aller au parc, où je me rendais souvent durant mon enfance avec mes parents ou plus tard avec mes amis. Les lieux n'avaient pas changé, sur l'immense pelouse qui s'étendait devant moi une cinquantaine de personne papotaient par petit groupes, des lycéens se faisaient des passes avec un ballon de football. Une ambiance agréable baignait toujours cet endroit. Je dépassais à présent un groupe d'enfants qui devaient encore être en primaire, ils rigolaient comme pas possible en jouant à la marelle ou un de ses jeux dont seul les enfants connaissent les règles. Je me délectait de tout cette bonne humeur et cette normalité tout en me baladant le long d'un chemin pavé.
Soudain quelque chose -ou plutôt quelqu'un- me heurta de plein fouet, alors que j'étais entrain de tomber en arrière pour m'étaler par terre on me prit le bras pour me tirer en avant. Sans trop comprendre ce qu'il m'arrivait, je me retrouva dans les bras d'un homme, me tenant fermement le coude et le dos.

« Excusez-moi, je ne vous avais pas vu, vous allez bien ? J'espère ne pas vous avoir fait mal, je suis un peu brusque parfois... »

À cette dernière phrase, il desserra sa poigne pour me lâcher enfin. Je respira un bon coup pour me rendre de compte de ce qu'il s'était passé en si peu de temps et releva la tête pour voir mon sauveur -même si cette même personne m'avait propulsé en arrière, manquant de faire tomber. Cet homme -plutôt jeune-, arborait un léger sourire sous sa légère barbe, ses yeux d'un beau gris-bleu me regardaient avec intensité. Ce visage m'était familier, j'avais déjà croisé ce jeune homme. C'était le décors qui ne correspondait pas, ils ne s'étaient pas connus à Beacon Hill, mais où alors? Je me décida tout de même à répondre:

« Oui oui, ça va bien! Bien mieux qui si vous ne m'aviez pas rattrapé d'ailleurs...!
- Amanda ? C'est bien toi ? » me coupa-t-il

Un grand sourire se peint sur son visage carré, je le regarda plus attentivement à la quête d'indices qui pourraient me dévoiler où je l'avais rencontré. Mais bien sur! Son beau sourire, ses yeux bleus-gris et ses cheveux bruns. Cela me fit penser immédiatement à Los Angeles et à notre première rencontre.

« William! Oui je suis bien Amanda! Que fais tu ici? Si loin de la côte ouest des États-Unis? Si loin de L.A.? »

J'étais à deux doigts de lui sauter dans les bras mais je me stoppa pour garder bonne figure. Cela me faisait super plaisir de le voir ici, dans un endroit aussi incongru que le parc de Beacon Hill. Je souris comme une gamine, les yeux pétillants.

Quand deux personnes sont amenées à se recroiser n'essayez pas de lutter

Il remarqua ma retenue ce qui le fit sourire encore plus. Ma discrétion à ce niveau là n'était pas très élevée, je m'étais tout de même approchée d'un pas. Lui par contre ne se stoppa pas dans son élan et me prit par la taille. Cela me fit sursauter car son geste avait été assez rapide. En un rien de temps je me retrouva dans ses bras réconfortants. La tête contre son torse je me laissa aller à la nostalgie. Ressentir son odeur musquée m'avait fait ressurgir de vieux souvenirs de Los Angeles. William et moi étions devenus très rapidement amis, il y a de cela quelques années. Le temps nous avait quelque peu éloigné mais au final, quand nous nous retrouvons dans les bras l'un de l'autre c'est comme avant. Le monde autour n'existait plus, il avait à présent que les retrouvailles de vieux amis. Une joie intense me submergea, cela me faisait tellement plaisir de le revoir après tout ce temps. J'en pleurerais de joie si j'étais quelqu'un de sensible. Mais je ne le suis pas, alors je me contente de savourer son contact et d'humer son parfum.

« J’ai déménagé.  J’ai enfin prit mon envol ! Et je suis tombé sur une offre d’emploi ici alors je me suis dit "Pourquoi pas" » dit William en me sortant de mes pensées

Waouh! Pour une coïncidence s'en est une! Retrouver mon vieil ami à Baecon Hill a quelque chose de comique. Nous nous somme connus entre les buildings de LA et nous nous recroisons dans le seul parc de la petite ville proche de Boston. Je lui répondis tout en restant en contact avec ses bras forts:


« C'est génial William! Le hasard fait bien les choses. Donc tu es prof d'histoire à Beacon Hill alors?! Je n'aurais jamais pensé de recroiser ici!

- Et toi alors ma belle ? Qu’est-ce que tu fais ici ?

- Personnellement, c'est un espèce de retour aux sources un peu catastrophique. J'ai réaménagée dans la maison de mon père. »

Je finis ma phrase presque en chuchotant, espérant qu'il ne posera pas plus de question à ce sujet assez sensible. Rien que d'y penser me provoqua une pointe au cœur. Et vivre dans sa maison ne permet pas à ma douleur de diminuer. Je ne me souvenais pas d'avoir vraiment parler de mon passé au jeune homme. J'avais sûrement dû éviter le sujet plus d'une fois mais être de retour à Beacon Hill...c'est comme si les personnes que j'aimais venaient me hanter. À chaque coin de rue je reconnais un lieu associé à une personne qui m'étais chère mais qui n'est plus là. C'est dur de faire comme si il ne s'était rien passé dans cette petite ville. Alors que pour moi il s'y est tout passé.

William me lâcha, sa douce chaleur me délaissa. Je lui souria doucement même si son contact me manquait déjà. Je préféra changer rapidement de sujet et William m'y aida inconsciemment en me proposant tout sourire:

« Est-ce que tu es libre aujourd’hui ? Je pourrais t’inviter à boire un verre si tu le veux bien ? Ta compagnie ma vraiment manqué !

- Bien sûr avec plaisir! Je veux tout savoir de ce qu'il s'est passé dans ta vie depuis la dernière fois qu'on s'est vu! Je suis sûre que tu as une vie parfaite du genre: petite copine top model, un super appart en centre-ville, etc...! »

Je rigola vivement à la suite de cela, il avait l'air tellement heureux à ce moment là. Je ne pouvais pas m'imaginer sa vie autrement que parfaite. Je lui pris la main et on commença à se diriger vers le bar. Je me souvenais soudain:

« Et d'ailleurs! Ta sœur va bien? Elle est toujours à Los Angeles? »